dimanche 29 novembre 2009

Un point c'est tout ?

Voici un sujet avec lequel beaucoup sont fâchés : la ponctuation. Essayons quand même d'en parler simplement, du point de vue historique. Sans ponctuation, pas de compréhension.

nuitetjouràtoutvenantjechantaisnevousdéplaisevouschantiezjensuisfortaiseetbiendansezmaintenant

Les signes graphiques ont précédé la ponctuation, en toute logique. Toutes les langues d'Europe ont évolué mais au début, sur le papier, elles n'étaient qu'un ruban de lettres : pas de majuscule, pas de paragraphe, pas de blanc. Il fallait donc lire plusieurs fois le même bloc pour parvenir à le comprendre.
Ce serait à trois grammairiens que l'on devrait l'idée de diviser les manuscrits en chapitres, certains accents, et les trois points, prémices de la ponctuation. Nous sommes au coeur de la grande bibliothèque d'Alexandrie au cours des 3e et le 2e siècles avant Jésus-Christ.
  • Le point parfait se plaçait après la dernière lettre, dans le coin supérieur. Il indiquait que le sens de la phrase était complet.
  • Le sous-point était situé dans le coin inférieur, juste après la dernière lettre. Il est pratiquement l'ancêtre de notre point final actuel.
  • Le point médian était placé à mi-hauteur, après la dernière lettre. C'était en quelque sorte un point-virgule.
Malgré ces innovations, les copistes boudèrent ces réformes et c'est avec le latin qu'un système de ponctuation sera adopté, au 4e siècle après Jésus-Christ. Saint-Jérôme reprit les trois points des trois grammairiens et ajouta une division aux textes en les plaçant en colonnes. A chaque colonne, un sens distinct était donné, ce qui permettait d'organiser la pensée. Il ajouta également quelques signes et les incises.
On ignore clairement à qui on doit l'idée de placer des blancs entre les mots, mais il fallut attendre le 7e siècle après Jésus-Christ pour que les espaces soient couramment utilisés.
Ensuite, les moines copistes et les enlumineurs ajoutèrent des majuscules dans les manuscrits afin d'orner le commencement des chapitres.
Puis l'imprimerie apparut, en 1434, et avec elle les conventions ont changé. Le point, la virgule et les deux-points entrèrent dans l'usage. La majuscule fut adoptée en 1533, puis l'apostrophe et le point d'exclamation.
En 1540, un traité fut agréé, celui de Dolet, et devint la référence absolue en terme de ponctuation. Les copistes furent remplacés par les typographes. Désormais on pouvait utiliser le point, la virgule, les deux-points, le point d'exclamation, les parenthèses, les alinéas, la croix, le point d'interrogation, l'astérisque, ainsi que des pictogrammes tels que la petite main, le losange, le soleil, la lune. Mais plusieurs auteurs ne les utilisèrent jamais, car on ne leur accordait qu'une valeur respiratoire. Ce qui leur paraissait inutile, puisqu'il s'agissait de textes à lire, et non des textes à prononcer.
A la fin du 18e siècle, le grammairien Nicolas Beauzée, convaincu de l'importance que la ponctuation pouvait apporter au sens d'un texte, réussit à en prouver la valeur syntaxique. Un engouement pour la ponctuation grammaticale découla de cette observation et les éditeurs tombèrent dans une sorte d'intégrisme de la ponctuation, ce qui les poussa même à corriger et à ponctuer avec exagération, de sorte qu'ils sabotèrent le sens d'origine de nombreux textes qu'on leur confia durant cette époque.

Aujourd'hui, la ponctuation, réglementée, encadrée par les différents traités de grammaire agréés, ne lèse plus personne, ou presque. Elle est évolutive et permet aussi quelques transgressions, au nom de l'art et de la libre expression. Enjolivée par les pictogrammes d'Internet et les nouvelles significations qu'on lui accorde via les moyens de communication actuels, la ponctuation est toujours dans le coup, malgré tous les maux de tête qu'elle peut causer ;-)

Nous passerons en revue les dix signes de ponctuation une prochaine fois. Merci d'avoir lu jusqu'à ce point final.

7 commentaires:

  1. Ce que tu dis à partir de Dolet ne s'applique qu'au français ? La ponctuation grammaticale persiste dans d'autres langues, alors que c'est peu (pas ?) le cas en français : la mode est passée ?

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  2. "Sans ponctuation, pas de compréhension", c'est vrai si on a l'habitude de lire des textes ponctués.

    En thaï il n'existe aucune ponctuation, et les phrases sont donc exactement comme tes vers de la Fontaine. Pourtant les Thaïs lisent aussi vite que nous, puisqu'ils sont entraînés pour. Par contre pour les apprenants, c'est une galère sans nom !!!

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  3. Ah oui, j'avoue que je me suis plus penchée sur l'évolution des langues européennes mais surtout celle du français. Mea culpa.
    Mais tu peux compléter mon billet si tu veux Sonka. Tu penses à quelles langues en particulier ?
    Ce peut être une piste pour de prochaines questions :-)

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  4. En danois, la virgule était obligatoire pour séparer les groupes. Par exemple, il fallait obligatoirement mettre une virgule avant un pronom relatif, alors qu'en français ça dépend du sens. Mais une réforme de la grammaire est passée par là, et maintenant c'est facultatif. Dommage, je trouve que ça avait un certain charme !

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  5. Non mais c'était une question, pas un reproche, Léti ! ;o)
    En allemand et en russe, c'est comme en danois, la virgule sert à séparer les proporitions (elle ne sert qu'à ça et elle est obligatoire dans ce rôle). Bien que les Russes soient assez je m'en foutistes (plus que les Allemands en tout cas), donc on peut quand même voir tout et n'importe quoi en russe...

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  6. pouah, portnawak : les PROPOSITIONS bien sûr ! :o)

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  7. Mais je ne l'ai pas pris comme un reproche hein ;-)
    Et si un jour tu veux nous proposer un petit billet n'hésite pas !

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